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24 octobre 2013 4 24 /10 /octobre /2013 11:20

Quelle surprise de voir le Snalc s’intéresser au socle commun. Ce syndicat qui ne cesse de dénoncer son existence serait-il en train de changer de bord voyant qu’il n’a pas eu gain de cause (comme d’autres organisations syndicales) sur ce sujet, définitivement et plus que jamais mis au coeur du système éducatif par la nouvelle loi sur l’école ?
Soit, très bien, on avance

 

… ou pas !

Alors que propose cette organisation syndicale ?

 

Une méthode infaillible (sic) pour valider un socle commun (remodelé en s’éloignant des compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie, bien évidemment) :

Le SNALC propose sous forme de tableau sa vision du socle, des compétences et de leur validation :

On comprend mieux ! Il s’agit d’une manière de ne pas s’occuper du socle et des compétences. On regarde simplement en fin de parcours les résutats des élèves au contrôle continu et à l’épreuve ponctuelle du DNB, en prenant soin de bien séparer les disciplines.
Ce tableau démontre bien que le Snalc ne maîtrise pas du tout son sujet. Ont-ils au moins lu les orientations du socle commun et du travail par compétences ?

 

Valider des compétences … sans évaluer des compétences

 

Pour travailler et évaluer des compétences, il faut confronter les élèves à des situations complexes. On vérifie une compétence quand un élève sait mobiliser ses ressources internes (connaissances, capacités) et des ressources externes (aides, informations …) pour traiter ce type de situations, se rapprochant, si possible, de la vie réelle. Des évaluations classiques de connaissances et de savoir-faire ne permettent donc pas d’évaluer une compétence, c’est un élément de formation parmi d’autres.

En considérant la moyenne comme boussole pour évaluer le socle commun on prend donc en compte des évaluations qui n’évaluent pas … le socle.

Dans le meilleur des cas, l’enseignant aura déjà intégré ce types de situations à son enseignement et ses évaluations. Le fait est que c’est loin d’être une généralité pour le moment !
Le Snalc ajoute les épreuves ponctuelles du DNB. Certes, il y a bien un peu de prise d’initiatives en mathématiques, il y a un travail d’écriture en Français mais il y a aussi du plus “classique” et surtout … le sujet d’histoire géographie éducation civique proposé en juin dernier ne permet en aucun cas d’évaluer des compétences.

 

Des notes aux réalités bien diverses …

 

Il faudrait donc s’intéresser aux moyennes. Tous les élèves et tous les enseignants de France le savent, une moyenne sur 20 peut révéler des réalités bien diverses.

D’une part parce qu’elle peut compenser de gros manques par quelques grandes réussites, ce qui va à l’encontre de l’approche par compétences, et favorise des approches “stratégiques” de la part des élèves.
D’autre part parce qu’on sait que d’un enseignant à l’autre, d’une classe à l’autre, d’une discipline à l‘autre, d’un collège à l’autre un 10/20 ne veut pas dire la même chose. Les enseignants se calent encore trop souvent sur la traditionnelle courbe de Gauss, qu’il s’agisse d’un groupe d’élèves “excellents” ou plus “moyens”. Ce besoin de trier ...

Cette notion de tri est d’ailleurs dans l’esprit du Snalc qui propose par ailleurs un collège à deux vitesses (voir un prochain billet), et décréte qu’il y 20 % d’élèves en échec qui doivent suivre un enseignement dit fondamental ?

Le socle devrait-il devenir un outil au service de la sélection et non de formation aux yeux de certains ?

 

… et surtout inadaptées pour évaluer et/ou valider un véritable socle commun


Rappelons ce qu’est le socle : ce que nul élève ne doit ignorer en fin de scolarité obligatoire. Que nous propose le Snalc ? De le valider à des élèves qui ne maîtrisent tout juste qu’un peu plus de la moitié ! (la moyenne supérieure à 10). Et ce serait les défenseurs du socle qui manqueraient d’exigences … Mais, pour faire sérieux, il faut laisser 20% d’échec et donc proposer un socle commun … pas vraiment commun.

 

Des disciplines ou groupement de disciplines associés à des “compétences” bien étranges … ou pas

 

Tellement étrange que le Snalc ne se suit pas toujours lui même : Ainsi l’histoire géographie éducation civique est parfois transformé en histoire-géographie-enseignement civique et moral et devient tantôt l’histoire-géographie education civique et social (sic)

Mais revenons aux compétences revues et corrigées par le Snalc.

Remarquons tout d’abord une hiérarchisation des disciplines d’enseignements : comment expliquer autrement que les connaissances et compétences mathématiques deviennent la 2e compétence ?

La première demeure bien la maîtrise de la langue française. Si l’on en croit le Snalc, seuls les profs de lettres sont habilités à l’évaluer et la valider. Les autres matières ne contribueraient donc pas à la maîtrise de l’oral et à l’enrichissement du vocabulaire (qui sont deux priorités de cette compétence) ?

La maîtrise des principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique est rebaptisé “Connaissances et compétences mathématiques” et par le même mouvement (en arrière toute) devient l’unique préoccupation des profs de maths. On devine là la patte du GRIP et le “savoir lire écrire compter calculer et pis c’est tout !” Exit le raisonnement ? et le sens donné grâce à l’interdisciplinartité entre les matières scientifiques ?

La maîtrise d’une langue étrangère a perdu sa 2e place et son qualificatif de “vivante”. Seule la LV 1 est concernée contrairement au texte en vigueur ! Pourquoi pénaliser un élève qui maitriserait mieux sa LV2 que sa LV1 en fin de scolarité obligatoire ?

 

 

C’est le moment de rappeler que toutes les études internationales montrent que les écoliers français maîtrisent les savoirs et les capacités “mécaniques” mais ne savent pas les mobiliser.(il y a fort à parier que ce sera encore la conclusion de la prochaine livraison PISA et qu’on lui fera dire autre chose)

La culture humaniste demeure en l’état. C’est pourtant la partie du socle qui mériterait le plus de modifications. Mais dans sa volonté de revenir à une lecture purement disciplinaire, il en exclut les profs de lettres (modernes) !! On y accorde aussi une place aux collègues de LV2 .. on se demande bien pourquoi pas ceux de LV1 … Quant à la géographie, que vient-elle faire ici ?

S’il fallait encore un argument pour nous convaincre du peu de sérieux de ce tableau, c’est fait.

Mais continuons car la suite n’est pas inintéressante.

Les compétences sociales et civiques ont disparu ! On pourrait s’en réjouir si le syndicat retrograde conservateur apolitique les avait remplacées par des compétences citoyennes, que nenni ! Nous avons droit à la maîtrise du corps, entendez l’EPS qui n’a même pas droit à des ponts avec les SVT sur ce thème. Et pourquoi la maîtrise du corps n’entre plus dans l’autonomie ?

Dernière compétence proposée par le Snalc justement : autonomie associée à l’esprit critique (qui remplace l’initiative). Pourquoi pas ! L’intitulé est plutôt bien choisi. Mais le mode d’évaluation nous laisse pantois : un dossier et une présentation orale. Faire preuve d’esprit critique d’accord mais une seule fois durant la scolarité ? Et comment va-t-on évaluer l’autonomie et cet esprit critique au cours d’un oral où il faudra plaire aux attentes d’un jury ?

Comme pour le numérique, ou d’autres, le Snalc externalise toutes les compétences transversales sans d’ailleurs en prévoir les modalités de formation des élèves, mais n'oublie pas de les utiliser pour trier.

 

Pour résumer, le socle revisité par le Snalc présente toutes les critiques qui étaient faites (à tort et jusqu’à présent) au socle existant par … le Snalc (et d’autres) : à savoir être un enseignement au rabais pour certains élèves, un noyau et non un socle commun

...Sous prétexte de s’en saisir, il cherche avant tout des solutions pour ne pas l’appliquer (ou le dévoyer ?) dans le quotidien de la classe, pour ne pas risquer un vrai travail en équipe, et là encore l’inter voire la trans-disciplinarité...

De quoi accentuer les écarts avec entre les élèves, mais ça c’est l’objectif inavoué mais bien visible de ces propositions de “refondation” à la sauce Snalc (objet d’un futur billet ?)

 

Laurent Fillion et Guillaume Caron

 

Sources :

La Quinzaine universitaire n° 1360, publication mensuelle du Snalc

http://www.education.gouv.fr/cid2770/le-socle-commun-de-connaissances-et-de-competences.html

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29 mai 2013 3 29 /05 /mai /2013 16:10

http://argoul.files.wordpress.com/2012/12/science-clipart.jpg?w=690 En voilà un titre bien égoïste ! Il faut dire que le sujet tient au fort intérieur de chaque enseignant d'une part et que pour certains (le mot est important) opposants, l'apprentissage des élèves est rarement pris en compte quand il s'agit d'en débattre d'autre part.

L'éventuelle bivalence des enseignants de collège, remise sur la table par Vincent Peillon est un sujet de crispation réel, un casus belli assuré. Pour les non initiés au jargon de l'éducation nationale, être bivalent consiste à enseigner deux disciplines.


Si le sujet est un argument de plus pour les conservateurs de tout poil, je crois qu'il dépasse largement ce « camp ». Probablement parce que le problème est mal posé, j'y reviens !
Remarquons avant tout que cette bivalence qui choque tant, existe déjà dans les faits : histoire-géographie-éduction civique, physiques-chimie, sans parler des PLP (professeurs de lycée professionnel) chargés des enseignements généraux.

Mais alors est-ce que je veux être bivalent ? Pourquoi pas à partir du moment où il serait possible de choisir un temps soit peu la 2ème valence en fonction de ses propres compétences (et des besoins, je le conçois).

Mais je ne répondrais pas de manière tranchée à la question car, à mon sens, elle est mal posée. Mettre en place une simple bivalence n'arrangera pas grand chose au cloisonnement disciplinaire. Enseigner deux matières comme on en enseigne une, ne changera fondamentalement pas les choses. Enseigner les maths le lundi de 13h30 à 14h25 aux 6ème 3 et la physiques-chimie le mardi de 14h25 à 15h20 aux 4ème 1 ne répondra pas aux enjeux actuels du collège. Le seul avantage pour les élèves serait d'avoir moins d'intervenants. Mais sur le plan des situations pédagogiques et de la souplesse laissée aux équipes pour varier les approches, pas grand chose à se mettre sous la dent.

La question du service des enseignants de collège doit être mise sur la table, j'en suis plus que convaincu. Mais passer à deux matières me semble très largement artificiel et insuffisant. Mais avant tout, c'est encore prendre le problème du point de vue de l'organisation « enseignant » (restons dans l'égoïsme) et non par l'apprentissage des élèves.
Alors il faut rester ainsi dans notre discipline ? Je ne le crois pas non plus! Outre le fait de prendre en compte les nombreuses tâches inhérentes à notre métier et que je considère comme tout aussi nobles que l'enseignement purement disciplinaire, il me semble que nous devons aborder le problème par les situations d'apprentissage et avoir la possibilité de les varier.

Proposer, par exemple, des ateliers basés sur des projets feraient par essence appel à des ressources de disciplines différentes. C'est cette polyvalence là que je préfère défendre. Les savoirs et savoir-faire disciplinaires ont vocation à devenir des ressources. Celles-ci ne peuvent tourner à vide où de manière cloisonnée (que ce soit avec 10 ou 5 enseignants). Ce sont bien les situations, les projets qui génèrent leur mise en action. Mieux, ils permettent de travailler aux interstices des disciplines, de développer des compétences transversales et, élément clé, d'apprendre à apprendre.
Nous sommes alors d'avantage sur le modèle de ce qui peut se faire avec l'EIST (enseignement intégré des sciences et technologie) avec des thèmes de travail pensés et préparés en équipe faisant appel aux 3 disciplines scientifiques mais aussi centrés sur les démarches et donc les compétences scientifiques.

Au delà de cette question, il va aussi falloir permettre davantage de porosité entre le primaire et le collège. Pour les enseignants, mais aussi pour les élèves. Les liens et la mise en place d'une école du socle ne peuvent se réduire à des réunions de profs ou à des documents. Et ils ne peuvent encore moins se réduire à une simple réduction du nombre d'enseignants.

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9 mai 2013 4 09 /05 /mai /2013 17:33

Ehttp://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/12/Craie1.jpgn matière de pédagogie, j'ai tendance à me méfier d'une méthode qu'on présente comme LA méthode efficace. C'est pourtant ce que certains tenants de la « pédagogie explicite » (ou 3ème voie) prétendent.
Je risque de me faire de nouveaux amis qui viendront ici me dire que je n'ai rien compris et qui vont se présenter en défenseurs de la pédagogie mais j'ai un certain retard à combler sur mon amie Mila Saint Anne. (1)

Non seulement je plaide pour une diversité des approches mais je vois aussi des limites certaines à ce modèle « explicite », en tout cas quand il est érigé en modèle permanent.

 

La pédagogie explicite qu'est ce que c'est ? (2)

 

D'emblée, elle s'oppose au socioconstructivisme. Il s'agit pour l'enseignant de guider, de manière très directive, le chemin (tracé donc par l'enseignant) en découpant le savoir de manière parcellaire. Invoquant le bon sens (dont je me méfie aussi beaucoup) en allant du « plus simple au plus complexe », elle se fonde sur des routines et prône un canevas de cours tout fait : Présentation des objectifs, rappel des pré-requis, présentation et explication des notions par l'enseignant (appelé « modelage » … sic), application automatisée et guidée, application autonome, révisions.
Progressions rigoureuses, « pas à pas », savoir au centre, automatisation, répétition, plus de français et de maths pour moins du « reste » (3)... nous ne sommes pas loin des théories du GRIP.

Soyons clairs tout de suite, je ne prétends pas que ce « modèle » est le mal absolu et qu'il faut s'en détourner à tout prix. Certains points peuvent être intéressants (explicitation des objectifs, réactivation régulière …). Ce fonctionnement peut se justifier sur certaines notions, sur certaines situations et à certains moments de l'apprentissage. Mais en aucun cas je pense qu'il soit judicieux d'en faire un fonctionnement permanent. Encore moins de prétendre à la « la nette supériorité de l’efficacité de l’enseignement explicite sur la pédagogie traditionnelle et la pédagogie socioconstructiviste ». On aimerait d'ailleurs comprendre cette grande différence entre la pédagogie traditionnelle et la pédagogie explicite. Si on prend l'exemple des manuels de mathématiques depuis des années, nous sommes finalement assez proches de ce guidage et de ce « pas à pas »...

 

Une diversité infinie de profils

 

Ce dont nous sommes sûrs, c'est que nos élèves présentent autant de profils d'apprentissages qu'il y a d'individus. L'homogénéité que souhaite et prétend créer (4) la méthode explicite n'existe pas et n'existera jamais.

Les gestes mentaux sont propres à chacun. Si certains évoquent sur de la symbolique (automatismes), d'autres le font sur du concret (hyper réalisme), de la logique ou de l'inédit (créativité). Ajoutons à cela le curseur auditif/visuel (curseur et non case) et que tout cela dépend des situations... Le geste de compréhension fait également appel à de nombreux profils : expliquants/appliquants , similitudes/différences, linéaire/global…
C'est donc dans la variété des approches et des situations que nous pouvons embarquer le maximum d'élèves. Ce que prétend faire la pédagogie explicite va à l'encontre de cette pluralité. Le geste de compréhension s'adresse alors davantage aux apprenants qui ont une approche temporelle du sens : le pas à pas, le linéaire. Quid de ceux ayant besoin d'une approche globale ? Ce n'est qu'un exemple mais il me semble symptomatique du problème.
De la même manière que le tout projet laisserait des élèves sur le bord de la route, le tout « guidé » ferme clairement la porte à d'autres. Ce terme « explicite » peut vite se transformer en « implicite » pour une partie de nos chères têtes blondes !
C'est en « arrosant large » que nous pouvons espérer toucher le plus grand nombre.

 

La stratégie du château de cartes

 

Proposer aux élèves un fonctionnement uniforme basé sur un processus très guidé ne favorise pas, à mon sens, le développement de la compétence « apprendre à apprendre », pourtant centrale et fondamentale. Comment faire en situation ? Comment partir de cette situation pour débloquer les verrous pour la résoudre ? C'est cela apprendre ! Et c'est bien cela que chacun rencontre tous les jours ou presque dans sa vie à des degrés de complexité variables.
En guidant, en modelant, en imposant un chemin en permanence, on limite l'émergence des représentations erronées, on limite les conflits cognitifs qui sont autant de ruptures nécessaires dans le cheminement de beaucoup d'élèves.

Les pédagogies actives permettent cela, tout comme elles permettent des moments de structuration et d’entraînement. Mais elles n'en font pas un préalable à tout. Construction et structuration ! A expliciter trop tôt, on prend le risque d'empêcher tout un pan du processus et de scléroser la diversification pédagogique. Se déclarer nettement supérieur comme le fait la « pédagogie explicite » paraît alors un peu étrange.

 

Baliser un chemin unique qui irait du plus simple au plus complexe en s'appuyant pas à pas sur des pré-requis me semble également problématique. Pour l'élève, il faut suivre et acquérir à l'instant T (celui prévu par l'enseignant) afin de construire le château de cartes prévu. Dans les faits, il finit souvent par manquer une, deux , trois cartes à un, deux, trois … élèves et l’édifice s'effondre ! Là où la pluralité des situations que nous pouvons proposer aux élèves constituent autant de portes d'entrée permettant une acquisition à plusieurs moments et sous des formes différentes.

 

Une méthode unique pour tous (qui plus est prenant appui sur de veilles lunes) me paraît être aux antipodes de la pédagogie qui se construit dans la diversité.

 

 

(1) Veuillez excuser ce private joke mais je lui devais !D'ailleurs les notes de bas de texte, c'est aussi une forme d'hommage …

(2) C'est le moment où on me dira que je n'ai rien compris... je ne reprends que des éléments que j'ai pu lire … En synthétisant, je prends le risque de me faire taxer de caricature mais les éléments que j'expose sont bien réels et publiés.
(3) Traduire « reste » par Arts, EPS, sciences expérimentales …
(4) « il est indispensable que chaque élève maîtrise ceux de son niveau avant d’accéder profitablementà ceux du niveau suivant.Cela permettrait des classes homogènesàchaque niveau, afin que de véritables relations entre élèves puissent avoir lieu. Tous partageraient alors le même capital de connaissances et d'habiletés. » Site de l'Association Pour la Pédagogie Explicite.

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24 décembre 2012 1 24 /12 /décembre /2012 12:16

Lundi 7 janvier 2013. Je passe la porte de la salle des profs. Une affiche m'interpelle sur le panneau. Voici l'affiche en question retranscrite ici :



PROJET DE CLASSE EXPERIMENTALE

 

Chers collègues,

 

A la rentrée prochaine, je souhaite constituer une équipe de professeurs volontaires pour mettre en place une classe « expérimentale » basée sur les principes suivants :

  • Une évaluation de tous les devoirs sur 20 points mélangeant de nombreux critères. (Nous pourrions alors faire des moyennes pour pouvoir avoir des avis tranchés sans devoir entrer dans les détails).
  • Un emploi du temps figé en tranches d'une heure avec un seul prof, d'une matière par heure avec une classe uniforme tout au long de la semaine. Nous pourrions même envisager que cet emploi du temps soit le même sur l'année scolaire entière.
  • Un quota minimum de devoirs à la maison. Les temps au collège seraient avant tout des moments où nous pourrions exposer à toute la classe des connaissances, les élèves travailleraient alors chez eux.
  • Un redoublement pour les plus mauvais de la classe en terme de moyenne générale plutôt que le système actuel permettant des parcours personnalisés sur plusieurs années.
  • La fin de tout lien entre nos élèves de 6e et les CM2 du secteur et donc de tout travail pédagogique ou de suivi régulier entre les PE et nous. Tout au plus une demi journée de visite dans l'année et une réunion de liaison en fin d'année.
  • Des classes constituées par niveau pour que les meilleurs ne soient pas freinés par ceux qui ne veulent pas travailler.


D'autres idées pourraient venir enrichir ce projet mais il est déjà ambitieux sur ces idées tant les réticences au changement sont grandes.
Nous devrons nous battre auprès de l'institution et franchir de multiples obstacles. Il nous faudra convaincre à tour de rôle : nos IPR, l’inspection académique, le conseil général, le rectorat, les parents d'élèves...

Attendons nous aussi à être montrés du doigt par certains collègues qui feront tout pour que ce projet ne se fasse pas.

 

Si vous êtes intéressé, inscrivez vous ici :

 

 

 

 

Je l'ai relu, une fois, deux fois, trois fois !... avant d'ouvrir mon casier, histoire de voir si tout était bien normal. Au dessus de la pile mal rangée que j'avais laissée avant de partir en vacances, un document « Emploi du temps de la période ». J'y découvre quelques cours disciplinaires le matin par tranches de 45 minutes et des tranches de 2 heures d'atelier l'après midi. J'y apprends que je vais travailler avec mon collègue de technologie sur la construction d'une maison miniature économe en énergie le lundi, que mes 6e travailleront avec les CM2 de l'école d'en face pour la page « sciences » du journal numérique que nous avons mis en place dans le réseau. Chose impensable, cet emploi du temps comprend des temps de concertation, de réunions de cycle et de suivi des élèves.


La porte s'ouvre ! C'est le documentaliste ! Ouf ! Enfin quelqu'un qui pourra me renseigner sur ce qu'il se passe. Je l'interroge sur cet emploi du temps. Il me regarde comme si je débarquais d'une lointaine planète même pas référencée dans les livres de son CDI. Il ne me répond même pas et préfère me parler de l'organisation de l'accueil quotidien du matin dont il est visiblement un des coordonnateurs.

Qu'a-t-il pu bien arriver ? C'était donc ça la fin du monde ?
Une faille spatio-temporelle semble avoir opérée. Le monde de l'école semble être devenu celui dont je rêvais. Et tout cela paraît naturel à tout le monde. La normalité a changé, l'affiche « classe expérimentale » est là pour me le rappeler.

Ce n'est donc plus à nous de nous battre de dossiers en dossiers, de critiques en critiques face à une inertie complète face au changement, face au progrès ?
Plus besoin de se justifier à longueur de temps sur des choix pédagogiques différents.
Voilà que la situation est inversée.


Bien sûr tout ceci est faux. Mais est-ce si absurde ?
Aujourd'hui, certains voudraient nous faire croire que l'institution scolaire dans son ensemble a depuis longtemps basculé dans l'école voulue par les « pédagos ». Mais c'est bien une organisation entière qui répond plutôt au conservatisme, au modèle transmissif et à la sélection élitiste qui est en place et derrière laquelle certains campent. Les marges de manœuvres sont très faibles et pour s'en emparer, il faut lutter, se justifier, faire face aux regards défiants. Réussir à mettre en place une classe « sans notes », à apporter un peu (mais vraiment un peu) de souplesse dans les emplois du temps relève d'une concordance de situations favorables. Et, quoiqu'il arrive ce n'est jamais une partie de plaisir.

Aujourd'hui nous sommes censés refonder... alors allons y, pour que ce collège des temps diversifiés, de l'évaluation positive, du travail en équipe, de la coopération inter degrés  ne soit plus une utopie mais une réalité dans quelques années. La refondation sera culturelle ou ne sera pas.

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9 novembre 2012 5 09 /11 /novembre /2012 16:39

Ce billet est publié à l'origine sur mon blog #geometwitt, allez y pour savoir de quoi il s'agit précisemment


Utiliser Twitter à l’école n’est pas banal. Et même si aujourd’hui, environ 200 utilisations francophones sont recensées et qu’on trouve des ressources à ce sujet sur Eduscol, les questions sont encore nombreuses.  Comme mes collègues qui sont dans la même situation, je m’en suis posées et je m’en pose encore. 


Petit tour d’horizon des objections que j’ai déjà pu entendre ou lire et éléments de réponses.


1/ « Les élèves ont déjà assez de temps d’écran pour en remettre un couche toute la journée à l’école »


Précisons tout d’abord que dans le cadre de #geometwitt, les élèves sont, paradoxalement, très peu devant un écran d’ordinateur. Lorsque les élèves sont émetteurs, le temps d’observation de la figure puis d’écriture du programme est assez long. Cette « rédaction » ne se fait pas numériquement mais sur feuille. Le bon vieux papier/crayon ! Les cahiers se noircissent, tout comme les petits papiers aux 140 cases pour calibrer le ou les futurs « tweets ». Ce moment est également riche en échanges réels puisque les élèves réfléchissent par groupe. Nous sommes loin de l’image « désocialisante » des écrans. L’écriture sur Twitter ne dure alors que quelques minutes, le temps de recopier le travail déjà effectué. C’est encore plus court quand il s’agit de consulter les réponses ou les questions reçues. En plus d’une visualisation rapide sur l’écran, chaque groupe reçoit une version papier qui sert de support pour retravailler les programmes.
Lorsque les élèves sont récepteurs, guère plus de temps d’écran mais de la construction géométrique : équerre, règle, compas ! Les puristes seront ravis !
En réalité, comme le signalait récemment une collègue qui participait à une table ronde sur le sujet, il n’a jamais été question du tout numérique. Ce sont avant tout des outils au service de la pédagogie avec une utilisation pensée et raisonnée.
Enfin, les élèves apprennent ici à utiliser le numérique dans un cadre de travail et d’échanges constructifs. Qualité plutôt que quantité.

 

2/  « Les réseaux sociaux sont dangereux : insultes, harcèlement … »


L’argument est certes facile, mais tout outil a ses dérives et ses dangers. La voiture a les siennes,  la cuisine est le théâtre de nombreux accidents… Qui ne s’est jamais coupé avec une simple feuille ? Le tout est d’en apprendre les usages raisonnés et responsables. Comment le faire « à vide » ? Sans utiliser un minimum l’outil ? L’éducation aux usages de ces nouveaux médias est un enjeu important qui fait partie des missions de l’école. « L’éducation aux médias » est clairement mentionnée dans le socle commun de connaissances et de compétences que chaque élève doit acquérir à la fin de la scolarité obligatoire. Certes, cette éducation dépasse largement les murs de l’école mais nous ne pouvons faire l’impasse.
Insultes et harcèlement n’ont pas attendus les réseaux sociaux. L’usage de ces derniers est peut être aussi l’occasion  d’en parler et d’en comprendre le fonctionnement.

 

3/ « Twitter, Facebook sont des sociétés privées dont les objectifs sont incompatibles avec l’école ! »


J’entends bien cet argument et il est un peu à l’origine de ce billet. L’utiliser pour balayer toute utilisation, publication et échange ne me semble pas sérieux. En revanche, certains préconisent une sorte de « principe de précaution » et donc une suspension de tout cela, le temps que des réseaux alternatifs pour l’école soient mis en place. De fervents partisans du numérique tiennent même ce discours.
Cela me paraît déjà beaucoup plus pertinent. Peut-être qu’un jour, j’utiliserais de tels réseaux mais aujourd’hui je persiste dans mes choix et je m’en explique.
Oui, Twitter n’est pas hébergé en France et nous n’avons donc aucun contrôle dessus.
Oui, Twitter, comme Facebook ont des visées commerciales.
Oui, pas de droit à l’oubli sur de tels réseaux sociaux, les traces restent et nous n’avons que peu de recul sur leurs éventuelles utilisations.

 

On peut alors, à partir de là, rejeter ces outils mais le fait est qu’ils ont aujourd’hui inondé notre pays et que grosso modo 100% des adolescents les utilisent ou vont les utiliser. Il me semble alors que l’école ne peut s’ériger en sanctuaire déconnecté de la réalité de la vie. Après tout elle s’est ouverte depuis longtemps et s’il fallait exclure de l’école tous les outils qui émaneraient de sociétés privées non françaises à but lucratifs, nos classes sonneraient bien creux !
L’usage massif de Facebook (et à une moindre échelle de Twitter) est donc une réalité et mérite qu’on s’en saisisse pour que chacun puisse avoir conscience de toutes ces dérives possibles. Nous l’avons évoqué pour les éventuels problèmes dans les relations inter élèves mais c’est aussi vrai pour ce que nous venons d’exprimer.
Faire prendre conscience que ces sociétés ont un but lucratif et les implications que cela engendre : publicités ciblées en fonction des contenus publiés, conservation d’information.  Alerter sur le protection de la vie privée, sur les informations à diffuser ou non sur de tels réseaux ou sur Internet en général. Intégrer le fait que nous allons laisser une trace… Autant d’éléments que je prends soin de souligner dans l’utilisation que nous pouvons en faire.
Je signale que le compte classe est sous ma responsabilité, que les élèves n’ont pas de comptes personnels pour travailler en classe et que les traces que nous laissons sont très restreintes… Essentiellement des programmes de constructions géométriques. Si quelqu’un y voit quelque chose de dangereux en termes d’identité numérique, qu’il me le signale !

 

Le fait est que les apprentissages sont bien au cœur du projet, que les élèves s’y impliquent, progressent, échangent, s’interrogent et apprennent accessoirement à appréhender sérieusement ces outils ailleurs que derrière une porte de chambre fermée.

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1 octobre 2012 1 01 /10 /octobre /2012 10:53

En ce début d’année, les élèves de l’atelier de recherches mathématiques planchent sur un jeu de Nim. Il s’agit du jeu des bâtons rendu célèbre par le programme télévisé « Fort Boyard ». Le travail consiste, en jouant, à étudier les mécanismes de ce jeu et, pourquoi pas, de découvrir s’il existe des « techniques » pour gagner à tous les coups.
Evidemment, tout cela amuse beaucoup les élèves qui se lancent dans le jeu et pensent avoir LA méthode tous les quarts d’heure avant de se faire battre et de recommencer à jouer.
La prise de notes sur le déroulement des parties devient alors indispensable pour garder des traces et prendre du recul sur les mécanismes mis en jeu. Alors que certains commencent, sans le formaliser, à voir des congruences ou des divisions euclidiennes là-dessous, une élève me regarde et me lance « monsieur, moi, je préfère les maths normales ».


Dans l’euphorie de la dernière heure du vendredi après-midi, cette interpellation m’est un peu passée au-dessus. Et pourtant … Elle est intéressante à plus d’un titre.
Qu’est-ce donc les maths « normales » ? N’est-on justement pas en plein dedans ? Une situation, des expériences, une conjecture, une modélisation à venir ?


Cette remarque me fait penser à ce que j’avais écrit il y a presque un an jour pour jour. Ce qu’elle appelle les maths « normales », ce sont les maths à l’envers ! Cette élève, qu’on peut classer dans la catégorie communément nommée « scolaire », attend en fait de pouvoir appliquer des techniques dans des situations types. Si ce savoir-faire est important et ce travail nécessaire, ce n’est qu’un aboutissement à un travail préalable de recherche, de modélisation, de conjecture et (quand cela est possible) de démonstration. Ses maths « normales » sont en réalité les maths « scolaires », ceux du bachotage, du j’apprends/j’applique où le professeur fournit un joli paquet prêt à l’emploi. Où l’aspect recherche n’est pas à l’ordre du jour et où toute modélisation est imposée « d’autorité ». C’est vrai, cela a un côté rassurant : prévoir un raisonnement est confortable et un apprentissage systématique et méthodique permet de s’en sortir assez bien.


Laisser de l’espace de liberté pour faire chercher les élèves ne serait alors pas judicieux et pas adapté ? Serait-ce une perte de temps ? Tous les élèves pensent-ils pareil ?
Que de questions pour un week-end !

Une réponse évidente : il nous faut diversifier. Les profils d’élèves sont innombrables et la diversité des approches et des rythmes est un élément qui me semble important. Certains ont besoin que ça fasse sens, besoin de chercher, fouiller, essayer, structurer. D’autres, comme mon élève, ont besoin de cadres clairs et structurants.*
Mais faut-il pour autant adapter les entrées en fonction des élèves ? Faut-il répondre aux attentes de cette élève ? Je crois au contraire qu’elle doit apprendre à entrer dans des démarches de recherche et à terme y trouver son compte. Comprendre que c’est par cette porte que les « automatismes » peuvent exister. Cela fait partie de la formation mathématique nécessaire et c’est un passage obligé dans le chemin de la construction de compétences dont le champ d’action dépasse largement les mathématiques. Tout comme l’entrée plus systématique que d’autres rechignent à faire.


L’esprit de la recherche, la modélisation, la structuration, la découverte d’automatismes, voilà ce que sont les « maths normales ». Et tant que les examens sommatifs continueront à faire la part belle (quasi exclusive) à l’application de processus standardisés, nos élèves « n’entreront pas en mathématiques » et nous, enseignants, serons sans cesse tentés par la facilité de nous y adapter.

 

* Les deux aspects n’étant pas incompatibles et même nécessairement liés. 

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6 juin 2012 3 06 /06 /juin /2012 08:34

 

A Loys alias Luigi B alias Le Pourisseur du Web,

Je me permets de  répondre ici  à  votre billet du 5 juin 2012 intitulé “D’où vient l’innovant” dans la mesure où il est impossible de le commenter directement comme il est habituellement d’usage sur les blogs.

Le forum des enseignants innovants ET de l’innovation éducative, j’y étais, j’y ai vu, entendu beaucoup de choses bien lointaines de celles que vous décrivez mais c’est normal vous n’y étiez pas alors je vais vous raconter.
Vous réduisez au numérique alors que bon nombre de projets (dont certains primés) ne l’étaient pas.
Vouloir faire croire que ces enseignants innovent pour innover sans se soucier du progrès de leurs élèves est une ineptie complète.
Et si vous évitiez des mots aussi violents que « terrorisme » ? Celà ôte toute pertinence à vos propos.
Je vous propose de vous transmettre le formulaire d’inscription pour l’année prochaine. Vous jugerez par vous même et pourrez parler en connaissance de cause. Ce que j’y ai vu ce sont des enseignants lambda, de l’ombre, pour lesquels ce n’est pas toujours facile tant le modèle traditionnel est prédominant dans notre système.
Ces collègues, modestes, sont parfois (souvent) isolés dans leur établissement parce qu’ils veulent faire bouger quelques lignes DANS LE SOUCI DE LA REUSSITE DES ELEVES et luttent contre un immobilisme qui, lui, prouve depuis bien longtemps ses failles : le système est toujours aussi sélectif et il reproduit les inégalités sociales comme presque aucun autre des pays développés !    
Vouloir faire croire à un grand complot pédagogiste qui détruirait l’école depuis 20 ans en usant d’un jargon désormais bien rôdé « terrorisme », « culture d’entreprise » (ultime argument à la mode contre tout progressisme éducatif) est un peu facile mais s’inscrit dans la lignée des idées de soit disant « bon sens » de polémistes bien connus. Si vous voulez être le disciple de ces personnages, c’est aussi votre choix.

Vous érigez pour votre défense (contre quoi ?) les qualités d’ « exigence », d’  « implication », de « courage » … Comme si elles étaient aux antipodes de celles défendues par les collègues présents à Orléans ! Comme si les défenseurs de l’immobilisme avaient le monopole du « courage » ! A ce forum, j’y ai vu du courage, de l’implication et de l’exigence. Non, contrairement à ce que vous voulez faire croire, ce que nous avons vu n’était pas le fantasme (fantasme qui vous arrange peut-être ?) que vous vous faîtes de l’école d’un pseudo-laxisme béat.

Les ZEP ? Parlons-en ! Les élèves y ont moins besoin d’écran ? Qui donc va former les élèves au numérique ? Il serait criminel, sous prétexte que ces gamins soient en ZEP, de ne pas leur donner les clés d’un monde qui sera CAPITAL pour leur vie future. L’ «écoute », la « rigueur », la « méthode » (que vous prônez) ne se décrètent pas, elles se gagnent, elles s’acquièrent ! Par des situations, par  la motivation suscitée, par la pédagogie !
Et ce n’est pas en ignorant leur culture que nous arriverons à la sublimer et à les faire entrer dans l’apprentissage. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, dont il a été question durant deux jours.

Quant aux résultats. Pensez-vous que si ces dispositifs, ces trucs, ces situations ne fonctionnaient pas, les enseignants continueraient de les pratiquer ? Je vous trouve assez prétentieux pour juger des intentions de collègues que vous ne connaissez pas. Voulez vous devenir IPR ?
Pensez-vous que le thème de l’évaluation des projets n’a pas été abordé ? Pensez-vous que tout soit si simple à évaluer dans un métier HUMAIN dont les seuls critères mis sur le tapis sont des pourcentages de réussite ? Des moyennes ? Sur des tests souvent normalisés, automatisés ?


A aucun moment vous ne parlez des projets présentés, des formidables énergies soulevées pour tenter de promouvoir les lettres classiques, mettre la réflexion au cœur des apprentissages. Vous vous contentez d’une critique de façade dont on ne comprend pas bien le but.
Vous préférez stigmatiser le numérique que seuls certains élèves privilégiés pourront appréhender.  
Allons soyons sérieux, proposez-nous un billet sur le fond.

 

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4 avril 2012 3 04 /04 /avril /2012 18:49

Impossible d’y couper … les résultats des lycées sont publiés … Classements, comparaisons, taux de réussite au bac, taux de réussite de la seconde au bac … « T’as vu le lycée de ma fille est le meilleur de la région ! » …  « oui mais dans celui de mon fils, ils ne virent pas les élèves qui font baisser les stats ! » … « Oula il va falloir demander une dérogation, le lycée du coin n’est pas bon ! »
Les statistiques sont là, elles sont ce qu’elles sont et prenons les avec tout le recul nécessaire. C’est un indicateur, certes, mais un indicateur parmi tant d’autres…. Et c’est bien là le problème ! A entendre tous les commentaires, c’est LE critère pour savoir si un établissement réussit ! C’est vrai, les médias signalent que le taux brut de réussite au bac n’est pas suffisant … mais les autres critères quantitatifs de ces résultats sont à peine plus pertinents.
Un peu facile d’accuser la sphère médiatique … Balayons devant notre porte avant tout … parce que soyons clair, de là où nous sommes, nous entendons parler de chiffres, d’objectifs à atteindre, d’évaluation nationale, de taux de passage en seconde à atteindre ! Les contrats d’objectifs font leur apparition (sans d’ailleurs engager de moyens pour atteindre les dits objectifs !) et sont bien souvent déclinés en indicateurs chiffrés : pourcentage de réussite au brevet, moyenne aux épreuves d’examen …
Ah, au fait, précisons, nous ne parlons pas de voitures sorties d’usine, mais d’élèves … d’enfants, de jeunes … Nous travaillons sur de l’humain ! Comment mesurer notre travail par des indicateurs chiffrés, des moyennes, des taux … toutes ces choses globales, synthétisantes… discriminantes ?


Le week end dernier, nous avons emmené un groupe d’élèves au congrès national Math en jeans pour qu’ils y présentent leur travail de l’année. Un travail de recherche déconnecté de tout programme. Un vrai bol d’air pour ces jeunes dont la plupart n’avaient jamais quitté leur ville, leur quartier … qui n’avaient jamais pris le train, le métro … Et les voilà qu’ils se retrouvent à exposer leur travail devant un amphithéâtre d’une université…. Eux les élèves de Zone d’éducation prioritaire qu’on stigmatise si facilement !
Dans ce groupe, nous avions des volontaires … dont une bonne partie d’élèves en grande difficulté souvent mis à l’écart de tous les projets. Vous savez, ceux qui en 3ème vous demandent « Mais monsieur, pourquoi on fait jamais de sorties nous ? »
Cette expérience va-t-elle leur permettre de gagner des points de moyenne (sic) ? de faire monter le taux de réussite au brevet ? d’atteindre l’objectif de passage en seconde générale ? … probablement pas … Et pourtant, cet atelier hebdomadaire et ce congrès scientifique dont ils étaient les héros, leur ont surement appris beaucoup … des choses que le système n’évaluera pas et des choses qu’on ne pourra jamais quantifier …
Arrêtons ce pilotage par les chiffres … ce pilotage terriblement sélectif quand les évaluations sont calibrées pour cette sélection.
Arrêtons de penser que la réussite de l’école se mesure à des moyennes ou des taux de réussite …

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19 octobre 2011 3 19 /10 /octobre /2011 21:31

 


Une fois n'est pas coutume, je vais commencer par raconter ma vie ... Tous les matins, la demi heure de voiture qui me sépare du bahut me permet d'écouter les nouvelles à la radio avant une journée de cours bien remplie. Sauf que depuis quelques temps, une pub me fait bondir (dans ma tête, je rassure les automobilistes qui empruntent la même route que moi). Et tous les matins ça recommence !
Une société bien connue de soutien scolaire à domicile fait sa promo sur un thème : redonner de la confiance en soi aux élèves qui en manquent ...

Je ne vais pas me lancer dans un plaidoyer contre ces sociétés, j'ai moi même pendant une courte période de mes études donné des cours de ce type...

On peut par contre s'interroger sur le fait qu'elles marchent si bien ...

 

Une des réponses est dans ce spot radio ! L'école, le système français ne se préoccupe pas beaucoup de la confiance en soi de chaque élève. Chacun sait pourtant que c'est une clé de voute de la réussite.


On parle beaucoup d'évaluation ces temps-ci ... notes ou pas notes ? Compétences ? Dès la maternelle ? ... il est une constante (macabre ?) dans notre système, c'est le poids de l'évaluation sélective... probablement la pire de toute, celle qui tombe comme un couperet, qui ne laisse pas de seconde chance*. La pression est partout ... sur les élèves, sur les parents. Comme si l'école, les apprentissages se résumaient à ces résultats. Et voilà qu'on parle maintenant de contrat d'objectifs basés en partie sur ces derniers ...


Comment avoir confiance en soi quand on est jugé en permanence sur des techniques, des connaissances ...

La confiance en soi serait donc réservée aux meilleurs, ceux qui réussissent ... On ne devrait même pas se poser ce genre de question, la confiance devrait naître du système proposé... un système où le plaisir d'apprendre serait au centre... Et quand bien même des élèves auraient besoin de ce supplément d'âme, c'est à nous, enseignants de les aider plutôt que de vouloir jouer les pères fouettards ou se rassurer en faisant de l'autoritarisme. J'avoue ne pas comprendre la fierté de certains collègues qui « tiennent leurs classes » parce que les élèves ont peur... ou la gloire de certains à avoir toujours une moyenne de classe en dessous de 10 parce qu'ils sont exigeants... comme si l'exigence résidait dans la dévalorisation.

 

J'aime voir les élèves prendre plaisir à travailler, à voir les sourires, la joie de vivre et l'enthousiasme face à des découvertes. Parfois il faut des moments studieux, de l'entraînement, de la réflexion mais comment tout cela est-il possible si on inhibe nos élèves ? Je suis conscient que tout cela n'est pas facile et que parfois face à un groupe d'ados déroutant, on cède à la facilité ... Mais nous devons tendre vers cet idéal.

La confiance, l'assurance, la curiosité ... tous ces éléments de notre métier qui ne sont pas quantifiables par des résultats à court terme mais qui sont capitaux dans le développement d'un individu... et qu'on oublie au profit d'un utopique bourrage de crâne...

Quelques idées personnelles, sans prétention aucune, pour qu'on ne dise plus aux parents en réunion ou sur un bulletin « manque de confiance en lui »

  • Ouvrir les situations d'apprentissages, laisser les idées des élèves s'exprimer, ne pas tracer des chemins qui égarent ceux qui en sortent. Laisser les élèves tracer les leurs !

  • Faire de l'école, du collège un lieu de vie avec des vrais espaces de vie.

  • Prendre le temps de l'accueil le matin.

  • Favoriser l'expression libre, aussi bien orale qu'écrite.

  • En finir avec l'évaluation continuellement sommative et sélective. La remplacer par une évaluation au service des apprentissages dans laquelle l'élève est impliqué.

  • Valoriser les compétences plutôt que la technique pure ou les micro tâches guidées.

  • Développer la pédagogie du projet où chacun trouve sa place dans un travail collaboratif.


Tout ça n'aura aucun effet si nous, de notre côté, gardons une pédagogie verticale, transmissive... Ne soyons plus face aux élèves mais à leur côté pour que la confiance en soi ne soit plus une valeur marchande ou un argument de vente pour une quelconque société. Ayons confiance en eux !

* rattraper une mauvaise note par une bonne note au contrôle suivant ne portant pas sur les mêmes éléments n'entre pas dans ma notion de deuxième chance... ni de progression possible.

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9 octobre 2011 7 09 /10 /octobre /2011 11:04

 

 

« Ils ne connaissent pas leurs tables de toute façon, on ne peut pas faire le programme du collège dans ces conditions ! » ... Allez qui d'entre vous n'a jamais entendu cette phrase en salle des profs ? (ou pour les non-profs c'est dit tellement fort que vous l'avez forcément entendu ...).
Connaître ses tables est un atout plus que précieux mais est-ce plus important de connaître par cœur sa table de Pythagore ou d'avoir compris le sens de la multiplication (sens en vue de la mobilisation ET sens de cette écriture... simple simplification d'additions au départ) ?*

Dans le premier cas, l'élève aura peut être de bonnes notes en calcul mental (si tant est qu'il est fait de manière classique), la maîtresse ou le prof sera content (les parents aussi ... ) mais il n'est pas évident pour autant que cet élève puisse utiliser cette ressource si il n'en a pas perçu le sens ... en gros pour résoudre des problèmes ...
Dans le second cas, il est parfaitement envisageable d'entrer dans un problème et à ce moment là de mobiliser ces multiplications... bon la technique sera peut être laborieuse mais si le sens est compris l'élève va pouvoir retrouver sa table ...
Le cas idéal combine les deux bien sûr mais ce qui me semble capital c'est d'acquérir le sens avant la technique ... et aussi curieux que cela puisse paraître, on néglige souvent cet aspect pour finalement ... faire des maths à l'envers.

J'ai le souvenir, en tant qu'élève d'avoir pratiqué ces maths à l'envers ... oh je ne m'en rendais pas compte ... j'y arrivais très bien et je faisais confiance à mes profs pour vite aborder des problèmes et utiliser ces techniques ...
Petite activité ultra cadrée découpée en micro tâches – Cours – exercices d'applications purement techniques – Problème ... voilà le schéma ... et encore, comme « il faut boucler », les étapes 1 et 4 était parfois résumées à peau de chagrin ...

 Je crains que ce soit encore beaucoup comme ça ... J'en discutais avec deux collègues sur Twitter le « ça marche comme ça » est encore bien présent ...

  Donner les méthodes et les techniques avant de s'attaquer à des problèmes sclérose l'activité mathématique à sa partie la moins agréable...

 

Au fond, tout ça est assez curieux ... on a l'impression que les maths ont une schizophrénie ... qu'il en existe en fait deux sortes ... les maths, les vrais ... ceux des chercheurs, de l'expérience, du tâtonnement préalable à la modélisation d'un côté et les maths scolaires où on pose la technique, la modélisation comme préalable, comme pré-requis (assassins ? ... http://www.educavox.fr/Grammaire-vocabulaire-etc-les )

Peut on alors s'étonner de nombreux blocages en maths sur la question du sens ? De l'image de cette discipline à la sortie du collège ?

Il semble quand même plus logique que la fameuse étape 4 de l'immuable schéma présenté plus haut soit en fait le point de départ de toute activité mathématique...
Pourquoi a-t-on besoin de techniques, de modèles, de simplifications d'écriture ? Avant tout pour avancer dans un problème et/ou être plus efficace.

Se confronter à des problèmes, voilà le point de départ de toute activité mathématique. S'interroger, se poser des questions, chercher, tâtonner, constater, généraliser, démontrer...
Jetez donc un œil à cette vidéo (autour de 5'45 pour les pressés...)

 

 

 

En cherchant un problème, cette élève (de CM1 a priori) est embêtée avec des multiplications à rallonge ... ces calculs peuvent très bien se simplifier avec des puissances (officiellement au programme de 4e !!). Le maître est là pour l'apport technique à ce moment là mais cet apport est justifié dans une démarche, dans une recherche ... et il y a fort à parier que cette élève n'oubliera pas les puissances ... et risque d'être surprise en 4e ...

Optons pour une approche par situations (APS ... voir ce livre http://www.cahiers-pedagogiques.com/spip.php?article7504 ...) ... si tant est que ces situations soient ouvertes ...
Certes c'est plus déstabilisant pour l'enseignant, le « je vous montre un modèle, vous appliquez » offre souvent une paix royale dans la classe ... mais dans quel cas les élèves construisent-ils leur savoir et leur COMPETENCES ?

Faisons le pari de l'intelligence des élèves, de leur imagination... apprenons leur à faire des liens, à donner du sens...
Faisons des liens avec les représentations des élèves, avec leur environnement, avec d'autres disciplines...

Nous devons, c'est vrai, jongler aussi avec des programmes pas toujours bien cohérents et un examen de fin de collège qui peut encourager techniques et bachotages (même si il évolue) ... je tombe aussi parfois dans ces travers et cette facilité ... mais offrons aux élèves la possibilité de FAIRE des maths ...

 

Remettons les maths dans le bon ordre !

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* Je ne dis pas que l'apprentissage des tables est superflue mais qu'elle ne peut se détacher de la question du sens ...

 

Une lecture intéressante à ce sujet :

http://www.cahiers-pedagogiques.com/spip.php?page=numero&id_article=3943

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